
Collection Art Sans Exclusion. Espace d’art actuel Jeanne de Flandreysy, Valence, 2022. Jérôme Turpin. © Guillaume Chocu
EgArt et la collection du Fonds Art Sans Exclusion à Valence (Drôme). Jusqu’au 23 octobre 2022.
Les boiseries de l’hôtel particulier Jeanne de Flandreysy, dans le coeur historique de la ville de Valence (Drôme) sont un bel écrin pour la découverte des dernières acquisitions du Fonds Art Sans Exclusion 2018 et 2020 encore jamais montrées au grand public.
Trois salles en enfilade permettent une déambulation suivant les quatre axes de développement de la collection, l’Epopée, la Fenêtre ouverte, la Mécanique de l’art, Mythes et histoire, Ut pictura poesis. Un vernissage chaleureux pour un événement né d’un partenariat avec la Ville de Valence, l’Association EgArt et la MGEN Drôme. Découverte.
L’épopée
L’artiste s’inspire de l’actualité. Il se transforme en témoin de son temps et en conteur.
Joseph Vignes dit Pépé Vignes dessine un monde joyeux. Ses motifs de prédilection sont les fleurs, les poissons, les moyens de transport, les ballons et les…gazinières. Un univers qui chante la nature et aussi le Progrès, la mécanique et la vitesse. Christophe Baudouin réalise un inventaire systématique des réalités terrestre qui sont pour lui les plus mystérieuses : les phénomènes éruptifs ou volcaniques et le corps féminin. Marc-François Bresson transforme chaque événement du quotidien en une aventure héroïque. Boire un verre au comptoir avec des amis devient La Cène, la place centrale de Dijon devient un lieu légendaire de l’histoire de l’identité bourguignonne.
La fenêtre ouverte
L’artiste projette sur la toile ou la feuille blanche sa perception du réel. L’œuvre devient une fenêtre ouverte sur l’univers intérieur de l’artiste.
Madge Gill, née en 1882 à Londres, brodait, tricotait et dessinait la nuit, Elle a développé une œuvre médiumnique, consultant durant plusieurs années comme voyante. Jérôme Turpin met en mots et en images dans un cercle magique les épisodes douloureux ou extraordinaires de sa vie. Claire Lancien peint la réalité d’une jeunesse en danger dans un jeu de miroir avec sa propre vie. » Ce que je dépeins c’est la différence, pour la montrer au grand jour » dit-elle. Sonia Lawniczak est fascinée par les villes qu’elle peint comme des paquebots à la dérive – des Townships d’Afrique du sud aux façades décharnées de Beyrouth -. Elle explore l’inachèvement, l’abandon. Leila Delasalle crée un long éphéméride de personnages rencontrés au hasard. S’y mêlent souvent quelques représentants du monde animal aux émotions toutes humaines.
La mécanique de l’art.
L’artiste met au point un processus de fabrication précis dont l’œuvre va garder la trace. Celle de la main qui fait et celle du mode opératoire.
Gaël Dufrène part d’un premier modèle qu’il dessine au crayon, l’agrandit souvent. Il assemble parfois plusieurs vues qu’il retravaille ensuite en couleurs. La légende fait partie intégrante du dessin. Béatrice Dromas associe des réalités différentes comme dans un collage pour créer des raccourcis visuels riches de sens qui lui permettent d’exprimer l’intensité de ce qu’elle ressent. ACM utilise des composants électroniques qu’il récupère, corrode, soude et assemble, pour créer d’étranges et complexes structures de métal. Wytze Jan Hingst est passionné par l’univers des nombres, il compose ses dessins à partir de séries qui renvoient à des dates, des heures et des codes, parfois combinés à des lettres, et donnent naissance à un espace en expansion à haut pouvoir poétique. Simon Le Fur dessine différents modules répartis sur la feuille de papier. Ils vibrent tantôt comme des sculptures dans un espace d’exposition physique, tantôt comme les éléments inintelligibles d’un processus mental. Hélène Fontana travaille selon le processus de l’accumulations depuis les années 80, en volume ou sur papier, à partir de visages humains ou d’objets de toutes sortes, lunettes, chaussures, chapeaux…. Une façon de signifier en creux l’absence et la disparition. Ezékiel Messou est réparateur de machines à coudre. Il les dessine afin de pouvoir les remonter plus facilement et garde ainsi la trace de tous les modèles passés entre ses mains. Il signe chaque dessin de son copyright.
Mythes et histoires.
Chaque artiste est pris dans les rets de la grande histoire ou par le mouvement inverse transcrit sous forme d’un récit imaginaire ou mythique son propre destin individuel.
Elevée dans les trois religions monothéistes, Ody Saban peint des fragments de mondes rêvés, de civilisations perdues et de mythes ancestraux où l’amour gagne toujours. Les poupées de chiffon et de boue sont les œuvres les plus emblématiques de Michel Nedjar et les thèmes qui sous-tendent l’ensemble de son univers sont l’enfance et le primitivisme, la vie et la mort, la magie et le voyage. Marinela Pelosi donne à voir un théâtre de la cruauté où féerie et souffrance se côtoient, de souvenirs vécus, séances de transes, d’exorcismes, d’expiations, de processions religieuses et de carnavals de sa jeunesse brésilienne. Livio Sapotille, dit Livio Timale Gwada Connection est un créateur guadeloupéen profondément original, nourri de culture Caraïbes, quand les réminiscences du Vaudou se mêlent à sa passion pour la faune aquatique de Basse-Terre.
Ut pictura poesis
Comme dans les haïkus japonais, ces petits poèmes puissants et brefs, l’artiste développe une œuvre vibrante qui célèbre l’évanescence des choses et le mystère de l’existence.
Le Manège de René Guisset évoque le rythme du temps qui passe, celui d’un passé révolu. Comme un hymne à l’enfance. L’oeuvre d’Anselme Boix-Vives fait surgir un petit peuple joyeux et haut en couleurs dans des décors sylvestres qui rappellent que ce peintre espagnol traversa tout le XXe siècle et son fracas sans pour autant oublier son enfance de jeune berger. L’œuvre d’un Grégoire Koutsandréou est une promenade au cœur d’un jardin imaginaire où le temps, l’espace et l’amour de la nature s’entrechoquent. Guillaume Chocu cherche à percer les mystères qui régissent le monde ordinaire des humains et met en scène de silencieuses silhouettes dans un espace hors du temps.
Soutenir les artistes en situation de grande fragilité
La MGEN, la MATMUT et INTER INVEST ont créé en 2017 le Fonds de dotation Art Sans Exclusion, présidé par Fabrice Henry, dont l’objet d’intérêt général est de soutenir les artistes en situation d’exclusion du fait de leur handicap mental, psychique, de leur trop grand isolement ou situation de précarité, à travers la constitution d’une collection d’art brut et d’art actuel. Cette collection comprend des œuvres de créateurs soutenus par EgArt et d’artistes déjà présents dans les grandes collections publiques ou privées : MNAM-Centre Pompidou, Musée d’art contemporain de Lille-Villeneuve d’Ascq (LaM), Collection d’Art brut de Lausanne….
Cette collection Art Sans Exclusion a été élaborée par un comité composé d’experts du monde de l’art et des membres du Fonds de dotation. Elle a pour vocation de circuler en France et à l’étranger, mise à disposition des institutions culturelles, des collectivités territoriales, des mutuelles ou du monde de l’entreprise.
L’objectif, artistique autant que pédagogique est de contribuer au débat critique actuel autour des mutations et jeux d’influences qui se nouent entre le champ de l’art brut et celui de l’art actuel.
Le Fonds s’engage à travers ses actions à faire progresser la réflexion sur les liens entre création, handicap, isolement et précarité et à partager avec un large public les valeurs humanistes d’entraide et de solidarité portées par les organisations qui soutiennent le Fonds Art Sans Exclusion
Cette collection comporte aujourd’hui plus d’une centaine d’œuvres et continue de s’enrichir au fur et à mesure des campagnes d’acquisitions avec l’appui de l’association EgArt-Pour un égal accès à l’art, présidée par Bernadette Grosyeux Mottini.